C’EST CA L’AMOUR de Claire Burger
– En salles : C'EST CA L'AMOUR –
C’est ça l’amour ? C’est en tout cas le feel good movie du mois. L’occasion de se laisser aller enfin en compagnie de personnages aussi attachants que détachés de la vie. Et en premier lieu un Bouli Lanners plus fragile que jamais. En solitaire après l’inégal Party Girl, Claire Burger réussit un pari difficile : construire un film sur la logique illogique des sentiments.
Se reconstruire, se chercher, trouver son indépendance… C’est désormais un cliché d’appeler cela « devenir acteur de sa propre vie ». Le début du film, précisément, nous présente Mario lors de la première réunion d’une pièce de théâtre expérimentale qui cherche à faire des spectateurs ses protagonistes et les pousse à s’exprimer en public. Sa place dans ce dispositif ? Celle du mari qui veut de nouveau communiquer avec sa femme, laquelle, on l’apprend vite, travaille dans ce même théâtre. De cette scène résulte un message bouleversant : on se trompe à vouloir devenir « les acteurs de nos propres vies », à l’instar de Mario et Frida qui veulent devenir les metteurs en scène de leurs vies. D’où une certaine décontraction du côté de la cinéaste. Ce sera justement à eux de prendre le pouvoir, presque comme s’ils se trouvaient à leur tour dans une pièce expérimentale. D’où cette séquence étonnante dans laquelle Mario, dans son travail à la préfecture, décide d’intervenir dans un conflit entre une employée et un citoyen : incapable de se faire entendre au milieu des cris, il décide de placer une énorme plante entre les deux protagonistes. Enfin, il y a la séquence décisive du film où Frida, qui ne supporte plus l’attitude de son père, décide de « l’empoisonner » en versant de la MDMA, parfois surnommée « la drogue de l'amour », dans sa tisane. Plutôt qu’un clin d’œil au Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, c’est surtout l’occasion pour Frida de rejouer la mise en scène de son propre foyer, ce qu’elle n’a jamais pu faire, elle, qui voyait comment son père écartait son lit de celui de sa copine, rendant la proximité des corps impossible. La drogue, la maladie et le trip mettent Mario à terre, l’alitent, et permettent aux corps enfin de s’approcher en douceur. C’est la scène que cette drôle de famille n’avait jamais pu vivre jusque-là. Une étreinte dans un lit où les masques tombent. Car en fin de compte, c’est peut-être surtout ça l’amour. Fernando Ganzo