VIENDRA LE FEU de Oliver Laxe

– En salles : VIENDRA LE FEU –

Malheureusement d’actualité aussi en France cet été, les incendies criminels ont fait des ravages en Espagne ces dernières années, notamment en Galice. Oliver Laxe a eu alors l’idée de faire un film autour d’un de ces « pyromanes », énigmatique personnage grâce à qui Viendra le feu. Mais comment filme-t-on le feu, au juste ? Comment se prépare-t-on pour tourner dans une montagne où tout brûle, au milieu des canons à eau des pompiers ? Réponse du cinéaste à cette question brûlante.

 
« Il y a une dizaine d’années, j’ai réalisé un court métrage qui parlait des incendies. C'était après 2006, l'année de l'histoire où la Galice a le plus brûlé. Je voulais faire un film avec ma vieille caméra Bolex, mais il n’y a pas eu d'incendie du tout. Je suis donc resté avec cette frustration et le désir d’un jour filmer le feu, en argentique. Mais quand on a décidé de tenter notre chance, on ne savait pas si on était capables de les filmer, parce que ça ne s’est jamais fait, je crois, dans l'histoire du cinéma, de filmer dans de vrais incendies. C’est pour ça que nous avons d'abord travaillé pendant quinze jours avec une petite équipe de sept personnes. On s’est préparés et on a passé des examens physiques et théoriques afin d’obtenir l'autorisation de filmer dans de vrais incendies, sans trop savoir ce qu’on en ferait après.
 
Une fois sur place pour filmer, on était équipés techniquement comme des pompiers, avec des vêtements ignifugés, et on avait des caméras et de la pellicule. Partant de là, il fallait attendre. Quelqu'un de la production était dans la région, dans le centre qui reçoit toutes les alertes incendies. C'est là que tous les appels passent, là qu'ils ont les caméras braquées sur les montagnes, qu'ils ont les radars… Et nous, on était déjà prêts dans les 4×4, on attendait l’appel pour nous dire où il y avait un feu. Dès que le coup de fil arrivait, on fonçait directement aux incendies. Sauf que quand les pompiers nous voyaient arriver avec les caméras, ils hallucinaient. Ce sont surtout les villageois qui étaient choqués de voir ça… Nous, on était même parfois les premiers à arriver et ils nous voyaient filmer les feux, pas les éteindre. Il y a eu quand même au début quelques petites tensions. Mais je dois dire que cette tension-là, on la sentait surtout de notre côté, parce qu’il y avait des moments où on filmait les feux alors qu’on avait surtout envie de les éteindre.

 
Les jours passaient et on continuait à filmer, sans pouvoir regarder les images captées, puisqu’on tournait en argentique. Bien évidemment, c'était très risqué parce que la seule source lumineuse à chaque fois, c’était le feu, et l'argentique est moins sensible à la lumière que le numérique. Ça a créé un sentiment un peu curieux parce que les pompiers, en éteignant le feu, éteignaient aussi la source de lumière qui émulsionnait le négatif et qui nous permettait d’avoir des images. Résultat, on s’est retrouvés parfois à dire aux pompiers : N'éteignez pas encore, allez plus doucement !” Parce que sinon, on aurait été dans le noir et on n’aurait pas eu de film ! Au bout de quelques jours, on a changé aussi les lampes torches de nos casques, pour mettre des lampes un peu plus puissantes. Je me suis dit que ça donnerait une aura un peu science-fiction au film, et l’idée de voir un feu et de ne plus savoir si on est sur Terre ou sur Mars, ce côté fantastique, ça m’intéressait beaucoup.
 
Après ces quinze jours de tournage sauvage, on a pu développer la pellicule. Et alors, quand on a vu les premières images du feu, on s'est regardés et on s’est dit : “Là, il y a un film.” On était en train d'approfondir sur un terrain vierge et c'était très excitant. J’ai toujours senti qu’il y avait une part d'alchimie dans le cinéma, mais là on était en train de trouver des images uniques, un univers unique. Et ces images essentielles ont été décisives pour terminer de construire le film que nous avions déjà écrit, le film sur le feu qui viendrait. » – Propos recueillis par Miquel Escudero