REVENGE de Coralie Fargeat

– LE FILM DE LA SEMAINE : REVENGE –

Un premier long français en forme de « rape & revenge » mais dans le désert américain ? C'est possible. Brutal et coloré, féministe et saignant, assumant un sens du spectacle parfois jouissif… Les débuts de Coralie Fargeat ne passent pas inaperçu. Bang, bang.

 
Dans un désert brûlant, trois types armés jusqu'aux dents poursuivent Jean, une jolie bimbo blonde, après l’avoir violée et tenté de l’assassiner. Mais la proie ne tarde pas à affronter ses prédateurs. Revenge est un vrai film maniériste. Un mélange exubérant de Mad Max et de Kill Bill, de survival, de western et de revenge movie, plein de sueur et de poussière, de grosses fusillades et de giclées de sang filmées au ralenti. « Ce film est né d’un vrai désir de mise en scène. Je suis une fan de films de genre, mais qui pour le coup n’est pas de l’horreur, ni du slasher, mais s’ancre pour moi dans une veine Tarantino », explique Coralie Fargeat. Mais ce premier long métrage doit aussi beaucoup au cinéma d'action américain des années 80. Jean devient ici un alter ego sexy d’Arnold Schwarzenegger et Bruce Willis, un corps-spectacle traversant toutes les épreuves physiques. Corps-miracle capable de se régénérer, elle s’extirpe vivante de l’arbuste sur lequel elle s’est empalée vivante, cautérise la plaie de son ventre avec une canette de bière enflammée. En guise de cicatrice, il lui restera la trace du Phoenix dessiné sur la boisson, l’oiseau mythique qui renaît toujours de ses cendres. Et c’est bien à une renaissance que l’on assiste : de femme-objet sensuelle, poupée Barbie au corps parfait dont le strip-tease vertigineux affole le mâle, la survivante se transforme en guerrière, encore très belle, mais au corps mutilé, traquant au viseur de son fusil de chasse ses agresseurs. C’est aussi cela qui fascine dans Revenge : le spectacle de l’apprentissage à la fois héroïque et douloureux de ce personnage féminin, elle qui adapte progressivement son corps à ce milieu hostile, à la pesanteur des armes, au son tonitruant de leurs détonations.



Pigs

Exactement comme son personnage, Coralie Fargeat s’approprie les armes d’un cinéma dit « viril » pour défendre un point de vue clairement féministe. Les trois personnages masculins de Revenge, de riches hommes d'affaire qui prennent un hélico pour partir en week-end, tiennent autant de la caricature du « macho » que de la brute épaisse. Dimitri viole Jean, parce qu’elle a dansé avec lui la veille au soir. « La petite allumeuse » l’aurait donc bien cherché. Sinistre écho de l'affaire Weinstein. Richard entretient une liaison avec Jean, mais préfère la museler plutôt que d’inculper son ami. « Les copains d'abord », quoi … La réalisatrice pose un regard plein de dégoût sur ces figures de prédateurs post-modernes, de vrais doubles de « piggy » Harvey, justement : des trognes aux bouches molles filmées au ralenti, béantes de désirs avides pour la belle… ou un paquet de chips. Finalement, la femme se transforme en un objet de désir consumériste pour ces trois petits cochons, purs produits d'un capitalisme décomplexé. La traque finale de la jeune femme se déroule ainsi dans la villa luxueuse louée par les chasseurs, formant une boucle sans fin entre la piscine et la TV plasma, comme si Jean était piégée par ce monde trompeur aux apparences chic et toc. Tandis que la jeune femme et Richard glissent dans des traînées de sang comme sur une patinoire, les mannequins féminins d'une émission de télé-achat défilent justement sur l'écran télé. Comme si toute la violence refoulée de notre société à l'encontre des femmes rejaillissait d'un coup à sa surface, une société où, il n'y a pas si longtemps, on pouvait encore entendre des hommes dire comme le personnage de Richard : « Vous, les femmes, il faut toujours que vous fassiez des histoires ! » – Juliette Goffart


–> Retrouvez Coralie Fargeat dans la table ronde de cinéastes « Vers un nouveau cinéma de genre ? », en couverture de SOFILM n°57, actuellement en kiosque. 


Bande Annonce Officielle de Revenge réalisé par Coralie Fargeat from REZO FILMS on Vimeo.